Printemps, par André Maudet

Printemps, par André Maudet

Printemps

Printemps

Tandis qu’à leurs œuvres perverses Les hommes courent haletants, Mars qui rit, malgré les averses, Prépare en secret le printemps.

Pour les petites pâquerettes, Sournoisement lorsque tout dort, II repasse des collerettes
Et cisèle des boutons-d’or.

Emaux et camées -Théophile Gautier (1811-1872)

Ah, printemps, printemps Admirable printemps etcétéra, etcétéra.

Haïku de Matsuo Basho (1644-1695)

Que sait-on des rythmes du jardin ?
La terre respire selon trois rythmes : annuel, mensuel et journalier

La respiration annuelle dépend du soleil. Dans l’hémisphère sud cette respiration est l’inverse de celle du Nord. Le rythme mensuel est assuré par la lune et le rythme journalier par la rotation de la Terre.

Dans l’hémisphère nord où nous vivons le jour le plus court tombe le 21 décembre, jour du solstice d’hiver. La végétation est alors en sommeil. Mais le soleil va commencer à s’élever dans le ciel et réchauffer l’atmosphère .tandis que les jours rallongent et que la sève se remet à circuler. C’est le printemps et l’équinoxe du 20 mars bien sûr nommé équinoxe de printemps.

C’est le moment de tailler et de semer. Le printemps météorologique comprend les mois de mars avril et mai. C’est aussi le temps des giboulées de mars et des sautes de température. Au solstice d’été le soleil amorce sa descente. De chauds ses rayons deviennent desséchants. C’est alors le temps des récoltes.

Mais revenons au printemps. Les religions ont très souvent un substrat astronomique et placent des dates symboliques dans leur calendrier liturgique. Par exemple la religion chrétienne a placé Noël avec l’enfant Jésus, la graine qui va germer. Il y a d’ailleurs une charmante coutume provençale qui veut que dans un pot on enterre des grains de blé qui vont bien sûr à la chaleur des habitations germer rapidement. On peut d’ailleurs très bien y semer des grains de lentille. A Pâques c’est la mort et la résurrection. « Si le grain ne meurt… ». Et puis plus tard c’est la récolte aux temps chauds.

Pour rester en Europe, en russe le printemps est весна (vesna) apparenté au latin ver et Vesna était la déesse slave du printemps et de la jeunesse. On retrouve cette racine dans la
« primavera » en espagnol, portugais et italien. En moyen français prins temps : premier temps vient du latin primus tempus (à ne pas confondre avec le prime-time anglolâtre dont nous abreuve la télé). Ce mot a remplacé l’ancien français primevère dont le nom est resté à la fleur de printemps fleurissant au début de cette saison début mars. C’est aussi le sens en breton :nevezamzer nouveau temps, nouvelle saison. En allemand cela donne

Frühling composé à partir de früh tôt, l’équivalent de prime

Et le point vernal en astronomie désigne l’équinoxe de printemps.

En anglais c’est une autre racine : spring ou springtime de to spring :bondir, jaillir. On retrouve ce mot dans l’expression to spring into existence : naitre (surgir dans la vie). Spring veut dire aussi ressort et source, ce qui conforte la saison où la vie éclate.

C’est le moment où les animaux vont s’accoupler et pour les oiseaux construire des nids. Mais avant, selon les espèces, les mâles vont devoir se combattre pour pouvoir choisir les femelles. Cela est très bien rendu dans le tableau de Sandro Botticelli Le printemps (entre 1478-1482). On y voit Vénus qui a ici des analogies picturale avec la Vierge Marie, dans le jardin des Hespérides aux pommes d’or, ici des orangers, accompagnée des trois Grâces. Mercure à gauche est celui qui protège le jardin avec son caducée, bras levé. Et Cupidon l’amour aveugle flotte au dessus. A droite la nymphe Chloris va être violée par Zéphyr (le vent d’Ouest doux et léger, en argot français le zef c’est le vent). Chloris va alors se transformer en Flore couverte de fleurs. Ils vont s’épouser et avoir un fils Karpos dont le nom veut dire fruit en grec.

N’oublions pas les hirondelles qui reviennent de leur hivernage en Afrique en parcourant jusqu’à 10.000 à partir du Cap. Y’a d’la joie chante Trenet. Malheureusement elles sont en très fortes régression.

Et il ne s’agit pas uniquement de lutte pour l’accouplement car en mai les luttes politiques surgissent. Rimbaud le disait déjà au temps de la Commune de 1871.qui a duré de mars à mai avec une ironie amère ((Picard fut un ministre versaillais) :

Le Printemps est évident, car
Du cœur des Propriétés vertes,
Le vol de Thiers et de Picard
Tient ses splendeurs grandes ouvertes …/…

« Pensez printemps » a dit le lointain successeur de Thiers.
C’est le « Temps des cerises » (écouter Mouloudji ou son duo avec Nana Mouskouri).

Pour ma part comme symbole le préfère le prunier dont la fleur blanche sur le bois pas encore feuillu est d’une grande élégance et la petite primevère qui après le crocus annonce de futurs beaux jours. Le perce neige du début d’année est déjà oublié tandis que le camélia ouvre déjà ses fleurs avec à son pied jonquilles et jacinthes déjà fleuries (Hyacinthe était le jeune amant de Zéphyr qui était bisexuel comme beaucoup de dieux – voir ci-avant Chloris). Et les violettes commencent à fleurir au pied du quetschier.

Ah, j’oubliais : le 23 avril « A la Saint Georges sème ton orge » selon le dicton alsacien (Georges en grec GewrgoV veut dire travailleur de la terre, laboureur, voir les Georgiques de Virgile, un écrivain romain). Bénéficiant d’un cycle végétatif court l’orge de printemps sera fauchée environ 105 jours plus tard à la mi-juillet pour être séchée par le malteur puis brassée. Le 23 avril est le premier jalon du cycle de la bière , on indique ici le cycle traditionnel. On en reparlera. C’est aussi le dernier jalon car au bout d’un an on obtient la bière de mars, la première bière de la nouvelle récolte et à Munich c’est la fête de la bière Frühjarhrsbierfest à

ne pas confondre avec la Oktoberfest. Bière et vin sont les deux boissons qui en France unissent le Nord et le Sud avec le cidre à l’Ouest qu’on retrouve dans le Devon terre d’origine de beaucoup de Bretons de Domnonée qui ont émigré au 8e siècle en Petite Bretagne lors de l’invasion de la Grande Bretagne par les Anglais.

Il y a tant à dire sur le printemps. Terminons sur une note gastronomique. A propos de la bière que l’on vient d’évoquer on utilise les souches de houblon qui donnent une trentaine de pousses en avril-mai. Les jets peuvent être consommées comme « asperges de houblon », un plat qui fait pendant aux asperges qu’on cueille à Pâques dans les collines entourant Marseille, au pied des vieux murets ceinturant les champs d’oliviers du côté de chez Pagnol.

André Maudet

Les commentaires sont clos.