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Catégorie : L’Art au jardin

Les animaux du jardin Guinguette

Les animaux du jardin Guinguette

N°1 -Chatte de jardin.

Cette page est dédiée à Guinguette la petite chatte mascotte actuelle du jardin

Photo de Guinguette prise par Pierre Morin le samedi 17 avril 2021

Le chien pense : « Les hommes me nourrissent, me protègent, m’aiment, ils doivent être des dieux. »
Le chat pense : « Les hommes me nourrissent, me protègent, m’aiment, je dois être leur dieu. » (anonyme) autrement dit : « les chiens ont des maîtres, les chats ont des esclaves »

Quelques sentences d’amoureux des chats :

« J’aime les chats parce qu’il n’existe pas de chats policiers. » a dit Jean Cocteau.

« Il y a deux moyens d’oublier les tracas de la vie : la musique et les chats » : Albert Schweitzer.

« Le plus petit des félins est une œuvre d’art ». Léonard de Vinci


Baudelaire les décrit amoureusement dans « Les chats » :

Ils prennent en songeant les nobles attitudes
 Des grands sphinx allongés au fond des solitudes,
Qui semblent s’endormir dans un rêve sans fin ; 

 Leurs reins féconds sont pleins d’étincelles magiques,
Et des parcelles d’or, ainsi qu’un sable fin
Etoilent vaguement leurs prunelles mystiques. 


Et aussi dans son autre poème « Le chat» :

Viens, mon beau chat, sur mon cœur amoureux ;
Retiens les griffes de ta patte,
Et laisse moi plonger dans tes beaux yeux,
Mêlés de métal et d’agate
.


Les origines du chat remontent à loin. Le chat sauvage apparait au quaternaire issu d’une longue lignée de félidés. On peut penser que la sédentarisation des humains, le développement de la culture des céréales et la construction de silos pour y stocker les récoltes engendrant la prolifération de rats a permis le rapprochement entre l’homme et le chat et son apprivoisement (apprivoisement et non domestication comme pour le chien).

Une découverte à Chypre, sur le site de Sillourokampos, prouve que nos chers petits matous étaient déjà apprivoisés 7000 ans avant Jésus-Christ.

C’est une équipe de chercheurs français, dirigée par Jean Guilaine, professeur au Collège de France qui a découvert les ossements d’un Felis silvestris lybica (chat sauvage qui est l’ancêtre de nos félins domestiques actuels) dans une fosse, disposés en parallèle avec ceux d’un homme, démontrant une volonté symbolique de les lier tous deux dans l’au-delà, prouvant leur lien spécial.

Le chat était vénéré en Égypte et avait même un dieu à son image : la déesse Bastet ou Bast, au corps de femme et à la tête de chat qui était protectrice de la maison, gardienne de la santé, associée à la fécondité et aux récoltes. Personnification de la lumière et de la chaleur la déesse Bastet était la divinité la plus aimée du peuple. Mais attention sous sa forme à tête de  lionne la déesse devient la redoutable Sekhmet  Dans le Livre des Morts le chat combat le serpent Apophis et lui tranche la tête. Bastet a aussi l’estimable privilège magique de stimuler le plaisir charnel.  Le chat en tout cas protégeait effectivement très bien  les greniers et silos à grains des rongeurs pullulant dans la vallée du Nil . Il chassait aussi les serpents. Ce chat descendrait du chat sauvage africain.

La momification des petits félins prenait même une allure industrielle si on en juge les cimetières de chats retrouvés. On vendait sculptures et amulettes au temple de Bubastis en Basse Égypte et on y sacrifiait des chatons élevés en quantité pour fournir des momies bénéfiques. Malheureusement au début du 19e siècle des industriels anglais ont transportés certains de ces amas de momies en Angleterre pour en faire de l’engrais pour leurs champs (apport d’azote , potasse et phosphore). Le grand égyptologue français Mariette s’en indigne en vain. Dans la même veine les Anglais ne se sont pas gênés non plus pour récupérer les ossements des soldats et des chevaux napoléoniens enterrés dans des fosses communes à travers l’Europe. En 1847, dans son recueil Choses vues, Victor Hugo s’en indigne: «Ainsi dernier résidu des victoires de l’Empereur: engraisser les vaches anglaises!».Cupidité !( Leprincipe de la fertilisation des champs a été mis en lumière au 19e siècle, par l’agrochimiste allemand Justus von Liebig par ailleurs inventeur en 1853 du bouillon Liebig,  marque toujours actuelle spécialisée dans les soupes).

En pays musulmans le destin du chat a été plus heureux qu’en Europe chrétienne . Selon de nombreux hadiths Mahomet interdit la persécution et le meurtre des chats. D’après la légende, le chat d’Abou Huraïrah, un compagnon du Prophète, a sauvé Mahomet d’un serpent. Dans sa gratitude, Mahomet a caressé le dos et le front du chat, bénissant ainsi tous les chats. Sa chatte s’appelait Muezza.

En Europe son destin avait bien commencé. Les Germains imaginaient la déesse Freya (ou Freyja) déesse de la fertilité, la Dame (voir Frau en allemand), dans un chariot tiré par deux grands chats offerts par Thor. Le chat est aussi implanté en pays celtiques. Le héros irlandais Cuchulainn dans « Le festin de Bricriu » rencontre  trois chats druidiques.

En extrême Orient il est aussi apprécié. Au Japon le temple bouddhiste Go To Ku Ji  de Tokyo est consacré aux chats. Toutefois certains bouddhistes le considèrent come un être indifférent qui s’est endormi quand Bouddha est entré en Nirvana. C’est aussi un hypocrite (voir notre chat-fourré).

Une chatte et ses petits Mao Yi 12e siècle

Le Moyen âge occidental chrétien est beaucoup plus tragique pour ces petites bêtes qui cumuleraient des défauts. Les chats sont paresseux, dormant tout  le jour et ne chassant que la nuit dans un monde inquiétant de ténèbres. Il est lascif ayant un grand appétit sexuel à la période de reproduction.  La pupille de ses yeux est verticale comme celle des vipères. Il choque la morale.  Le chat est considéré comme hypocrite et gourmand.

Le noms des hérétiques cathares et du chat (cattus en bas latin) sont rapprochés phonétiquement (cathare vient en fait du grec katharos : pur et n’a rien à faire avec le chat). On raconte que les cathares vouent un culte à un gros chat noir, le diable déguisé. Plus tard les templiers sont accusés du même péché.

Bien sûr les moines élevaient des chats pour se protéger des rongeurs comme à la Grande Chartreuse en Isère créée en 1084. Il ne faut pas oublier que la fourrure du chartreux (je parle ici du chat et non du moine, était appréciée. La fourrure de chat est toujours vendue (voir les tanneurs suisses et surtout les élevages en Chine où divers animaux sont élevés dans des conditions abjectes).

Le chat est associé à la sorcellerie surtout s’il est noir. Le rapprochement femme et chat est habituel. L’image de la sorcière et du chat noir est une constante. Les deux hantent les sabbats. Il aurait neuf vies et le matagot ramènerait des pièces d’or à son maitre.

Le 13 juin 1233 le pape Grégoire IX (vers 1145-1241) édicte la bulle « Vox in Rama » contre la sorcellerie. Cette bulle considère le chat, de même que le crapaud, comme une incarnation du Diable. Le pape décrit un chat noir « aussi gros qu’un chien de taille moyenne », dont l’anus était embrassé par tous les présents, chacun à son tour, en commençant par le nouvel initié. Puis les lumières étaient éteintes et une orgie s’ensuivait. Que de fantasmes ! Par ailleurs ce pape instaure l’inquisition en 1231.

La tentation de saint Antoine (détail panneau de droite du triptyque) Jérôme Bosch entre 1495-1515 Ici le chat est un démon qui attrape un poisson symbole du christianisme

Mais en 1347 des rats provenant de Caffa comptoir gênois en Crimée assiégé par les Mongols débarquent à Marseille porteurs de la peste noire qui fait périr plus du tiers de la population européenne. La maladie est propagée par les puces que le rat transporte.

Le pape Innocent VII pape de 1404 à 1406 demande l’éradication des chats

En 1484 encore  Innocent VIII impose que les « sorcières » soient livrées par l’Inquisition au bûcher avec leurs félins favoris. bulle  « Summis désirantes affectibus ».

Le roi Arthur (« Estoire de Merlin ») combat un chat le Chapalu, petit chat noir qui devient énorme et monstrueux. Cette métamorphose d’un chat noir apparait souvent dans les contes.

On ensevelissait aussi vivants les chats pour assurer la solidité des bâtiments comme au  château de Combourg de Chateaubriand). On les précipitait d’une tour comme à la Kattefeest d’Ypres en Belgique  et surtout on les brûlait notamment à la Saint Jean d’été le 23 juin un peu partout en Europe selon des pratiques diverses.

Toutefois le bon peuple se régale dans le roman de Renard des aventures du goupil et de Tibert le chat.

Mais les choses changent. Le poète Du Bellay ( 1525-1560 ) pleure son petit chat gris Belaud. Léonard de Vinci aime ces félins :

Richelieu et Colbert  aiment leurs chats. En 1697, Charles Perrault (1628-1703) crée le sympathique Chat botté. Colbert ministre de Louis XIV décrète qu’il doit y avoir au moins deux chats sur les bateaux marchands pour limiter le nombre de rats bruns porteurs de peste.

La Fontaine fait du Grippeminaud un sujet de fable : « Le chat, la belette et le petit lapin »  et « Le vieux chat et la jeune souris » ou le chat s’appelle Raminagrobis comme chez Rabelais.

Mme d’Aulnoy écrit le conte « La chatte blanche » en 1697.

Au 18e siècle Louis XV interdit de brûler des chats à la Saint Jean à Paris en place de Grève.

Le chat inspire les peintres depuis la Renaissance, et ce en pleine période de chasse à la sorcière. Et il conquiert les Amériques avec les colons européens. Le musicien Scarlatti (1660-1725) dédie à sa chatte une Fugue. C’est le précurseur de Moussorgski et de Stravinsky « Berceuses du chat ».

Au contraire de ses lointains prédécesseurs le pape Léon XII aime les chats et  promet à Chateaubriand de lui céder son chat Micetto à sa mort (Mémoires d’Outre tombe). 

Avec le 19e siècle commence l’âge d’or des chats. Baudelaire, qui les adorait en laissa un portrait amoureux dans « Les Fleurs du Mal » (1857) : en deux poèmes« Le chat » et « Les chats ». Théophile Gautier est aussi un grand amoureux des chats (« Ménagerie intime » (1869). Tchaïkovski avec Marius Petipa met en scène la chatte blanche dans le ballet « La Belle au bois dormant ».

Édouard Manet : L’Olympia (détail) 1863 Le félin symbolise ici la pulsion sexuelle et la fidélité

Le chat noir lui-même est réhabilité et devient l’emblème d’un célèbre cabaret montmartrois, symbole de la vie de bohème que chante Aristide Bruant :

« Je cherche fortune
Autour du chat noir

Au clair de la lune

A Montmartre le soir ».

Mais le chat risque toujours d’être mangé car « C’est la mère Michel qui a perdu son chat ». C’est pourquoi les chats restent sur leurs gardes :

La chatte Vénus surveillant son territoire le 05 mai 2021

Colette adore les chats et surtout sa chatte blanche Kiki la doucette (voir La Chatte – 1933).

Toutefois les folkloristes qui relèvent les contes et légendes dans les campagnes dans la première moitié du 20e siècle notent encore souvent des histoires où le chat noir a une connotation maléfique. Seule la chatte blanche ou tachetée de blanc a un rôle bénéfique.

Cette angoisse se ressent encore dans la chanson de Fréhel « La peur (un chat qui miaule » (1935).

Mais actuellement le chat a le vent en poupe. Il n’est que de le voir trôner sur internet. La bande dessinée féline explose depuis Félix le chat d’Otto Messmer créé en 1919 et Tom et Jerry créé en 1940 par William Hanna et Joseph Barbera, Le chat du rabbin (2002) de Johann Sfar. A pour modèle Imhotep le chat de l’auteur. C’est un chat qui parle depuis qu’il a mangé le perroquet du rabbin.

Ce sont des animaux sympathiques au contraire des chats de Maus (souris en allemand) où les chats sont des nazis qui exterminent les souris juives, les Polonais étant des cochons.

Au cinéma Fritz le chat (1972) est un film culte des années 1970, très contre-culture et pas pour enfants. Laissons les bambins jouer à chat perché en attendant qu’ils grandissent tout en suivant depuis 1945 dans les Looney Tunes, l’inusable Titi et Grosminet (Tweety & Sylvester).

Félicette nommée d’après Félix le chat est la première chatte lancée dans l’espace en 1963 dans le cadre du programme spatial français. Cocorico, mais la fin est moins drôle, la chatte est euthanasiée deux mois après son retour pour examen de son cerveau.

La chanson n’est pas en reste depuis, en vrac,  « Le petit chat est mort » de Renaud « Le chat de la voisine » de Montand, « Un chat de Paris » des Trois Ménestrels, la comptine « Trois p’tis chats, chats, chats, chapeaux de paille… », « Jean-Philibert » de Maurane, « Brave Margot » de Brassens, « Le p’tit bout de la queue du chat » des frères Jacques, etc.

Et la chatte est toujours liée à la femme comme le démontre pour les adolescents le succès de Catwoman dans Batman.

Bref le chat a une belle carrière devant lui et, espérons le, heureuse. Et comme le dit l’artiste belge Philippe Geluck.

André MAUDET

Mai, par André Maudet

Mai, par André Maudet

Mai

Nuit du Walpurgis classique

Paul Verlaine – Poèmes saturniens 1866

Minuit sonne, et réveille au fond du parc aulique
Un air mélancolique, un sourd, lent et doux air
De chasse : tel, doux, lent, sourd et mélancolique,
L’air de chasse de Tannhauser.

Des chants voilés de cors lointains où la tendresse
Des sens étreint l’effroi de l’âme en des accords
Harmonieusement dissonnants dans l’ivresse ;
Et voici qu’à l’appel des cors

S’entrelacent soudain des formes toutes blanches,
Diaphanes, et que le clair de lune fait
Opalines parmi l’ombre verte des branches,
— Un Watteau rêvé par Raffet ! 

Le Premier mai est  le jour où l’on brûle les sorcières de l’hiver. En Alsace et en Moselle les gamins se déguisent en sorcier et font des farces.  C’est la Hexennacht, la nuit des sorcières du 30 avril au 1er mai. En Alsace du Nord la forêt de Haguenau entre Vosges et Rhin en fournit une toile de fond parfaite. Cette fête est connue en Europe centrale et en Europe du Nord de la Scandinavie à l’Alsace. En Belgique wallone , à Namur un grand feu consume le Bonhomme hiver. C’est aussi la nuit de Walpurgis et le sabbat des sorcières qu’a décrit Goethe dans Faust (1808). Le lieu en est le massif du Brocken, situé dans le Hartz. Goethe est un passionné d’occultisme  (voir sa ballade « L’apprenti sorcier » que Paul Dukas a mis en musique et qu’à repris Disney dans Fantasia (1940). Gustav Meyrink et Heine et les Irlandais Bram Stoker (L’invité de Dracula) et Sheridan Le Fanu placent leurs romans à cette date. En musique on a le chois entre Mendelssohn, Brahms, Gounod.  Personnellement pour illustrer le sabbat des sorcières  je préfère Une nuit sur le Mont Chauve    de Modeste Moussorgski (1867) l’artiste maudit mort alcoolique, œuvre retravaillée par Rimski-Korsakov. Ces musiciens faisaient partie du groupe des cinq. qui défendaient la musique nationale russe et notamment le folklore russe. La composition  a été reprise aussi par Disney dans Fantasia. Mais l’histoire inspirée par la nouvelle de Gogol (1831) se passe la nuit de la saint Jean et non en mai.

Cette fête rejoint   les feux de Beltaine dans les pays celtiques de l’Ouest. C’est le début de la saison claire qui va durer jusqu’à Samain, le 1er novembre, marquant le retour de la la saison sombre. Si Samain est une fête joyeuse sorte de réveillon de jour de l’an et e fin de l’été  avec les fées qui sortent des tertres et offrent des quêtes aux héros, Beltaine est une fête marquée par de grands feux allumés par les druides qui marquent là aussi la victoire de la lumière. Beltaine c’est le feu (tan en breton) de Bel (Bélenos le dieu gaulois, assimilé à Apollon l’époux de Bélisama la trés brillante. Le bétail passe entre les feux pour être protégé des épidémies. Belenos est l’équivalent de l’Apollon grec lumineux et guérisseur lui aussi. Mais il faut éviter la nuit de Beltaine où rôdent des esprits et autres personnages surnaturels.

Andrzej Sapkowski, l’écrivain polonais a fait allusion à ces légendes dans la saga Sorceleur  d’où est tiré le célèbre jeu vidéo The witcher.

Mai est le mois de Maïa la déesse latine épouse de Vulcain et  amante de Jupiter d’après Ovide et mère de Mercure. C’est la déesse de la fertilité et du printemps. Tout pousse (voir le latin « maius : plus grand). Maya fait aussi penser au terme sanskrit de l’hindouisme qui désigne à la fois pouvoir de création, de magie mais aussi d’illusion. Laissons de côté pour les enfants Maya l’abeille.

Dans les pas des colonisateurs romains l’Église a récupéré ces mythes . Walpurgis doit son nom à sainte Walburge, une abbesse  d’origine saxonne née vers 710 dans le Sussex anglais qui a passée sa vie à évangéliser les peuples germains restés sur le continent. Son souvenir demeure à Walbourg prés de Haguenau. L’église invoque justement sainte Walburge pour la protection contre les sorcières et les sorts jetés aux humains et aux animaux.

C’est pour les Catholiques le mois de Marie. il était de bon ton de dresser dans les maisons croyantes  pendant tout le mois un autel orné de fleurs. La coutume est relativement récente  et officialisée en 1724.

Mais les jeunes  continuent à danser autour de l’arbre de Mai symbole de fertilité. Toutefois il est déconseillé de se marier en mai depuis les Romains car c’est le mois des esprits malins et plus prosaïquement les enfants conçus ce mois là naitraient en février, mois néfaste et surtout en des temps préindustriels mois froid et sombre où les réserves s’épuisent et où donc une nouvelle bouche à nourrir posait souvent problème.

Dans Les Très Riches Heures du duc de Berry commandé aux frères Paul, Jean et Herman de Limbourg vers 1410-1411 on voit plusieurs personnages ont des feuillages dans leur coiffure et les dames portent une robe verte. C’est la cavalcade traditionnelle du 1er mai.

Enfin le Premier mai devient ouvrier. Le 1er mai 1884 les syndicats ouvriers étatsuniens se mobilisent pour revendiquer la journée de huit heures. Cette  date a été choisie car elle correspondait au premier jour de l’année comptable des entreprises . Deux ans plus tard en 1886 n’étant pas entendus de grandes manifestations se déroulent. La grève se prolonge et le 3 mai à Chicago  lors d’un charge de la police trois manifestants sontt tués et une dizaine blessés. Le 4 mai au Haymarket square  des grévistes protestant contre les violences policières manifestent. Lors de la charge policière une bombe est lancée sur les forces de l’ordre causant parmi eux un mort puis dans  la confusion qui s’instaure sept autres policiers sont tués et plusieurs blessés. S’en suit procès et huit condamnations à mort. Quatre sont pendus le 11 novembre (devenu le Black Friday) et trois vont être graciés après six ans de prison. On soupçonne que des provocateurs se sont comme d’habitude glissés dans la foule. L’événement provoque une vive réaction internationale .

Le 20 juillet 1889 Jules Guesde et l’Internationale socialiste décident de faire du 1er mai une journée de manifestation pour la journée de huit heures.

Le 1er mai 1891 à Fourmies centre textile dans le Nord la police tire et fait neuf morts.

Le 4 avril 1941 le maréchal Pétain instaure officiellement le 1er mai comme « fête du travail et de la concorde sociale » (dans le cadre du corporatisme) et non plus « fête des travailleurs » à connotation socialiste. On ne manque pas de faire savoir que le 1er mai est aussi le jour (à l’époque) de la saint Philippe, prénom du maréchal.

Après guerre en avril 1947 la fête est ré-institué sur proposition du député socialiste Mayer et du ministre communiste Ambroise Croizat.

Sur mai plane aussi le souvenir de la Commune de Paris du 18 mars au 28 mai 1871 qui se termine par la Semaine sanglante..

Aux États Unis et au Canada la fête du travail « Labor day » reste fêtée le premier lundi de septembre depuis la première manifestation en 1882 à New York tandis que la fête des travailleurs « International Workers’ Day » ou IWD, non fériée, a lieu le 1er mai.

Il faut dans ce cadre parler de la guerre des fleurs et du combat de l’églantine rouge contre le muguet blanc.

L’églantine rouge est portée à la boutonnière par les socialistes à partir de 1899 lors de manifestations le 11 juin à l’hippodrome de Longchamp, la droite nationaliste et antidreyfusarde portant un œillet blanc.  L’églantine sera ainsi portée par les militants de gauche jusqu’au Front populaire de 1936. Ceux-là étaient appelés alors  par dérision les églantards.

La tradition d’offrir du muguet le 1er mai est plus ancienne et remonte au roi Charles IX (1550-1574), qui en avait fait un porte-bonheur. A la Belle époque, le muguet est la fleur du printemps et de l’amour etcommence à remplacer l’églantine. Cette dernière symbole de la gauche est condamnée en 1941 par Pétain qui ainsi blanchit le Premier mai.

Rappelons que le muguet est dans toutes ses parties très toxique ainsi que l’eau du vase où les tiges du bouquet ont trempé. Il est appelé au 18e siècle lys de la vallée d’où son nom scientifique latin donné par Linné : « convallaria majalis »( lys) des vallées de mai (voir en  anglais lily of the valley)

D’après wikipédia La vente du muguet dans les rues commença à Nantes après 1932.

L’églantier rouge (rosa rubiginosa) est très rustique et tolère des températures de -25°C.  Selon la légende Aphrodite (Vénus) se piqua avec les épines et son sang colora les pétales. C’est pourquoi l’églantine est le symbole de la passion. Mais le symbolisme de la fleur est trop vaste pour le décrire ici.

André MAUDET

Printemps, par André Maudet

Printemps, par André Maudet

Printemps

Printemps

Tandis qu’à leurs œuvres perverses Les hommes courent haletants, Mars qui rit, malgré les averses, Prépare en secret le printemps.

Pour les petites pâquerettes, Sournoisement lorsque tout dort, II repasse des collerettes
Et cisèle des boutons-d’or.

Emaux et camées -Théophile Gautier (1811-1872)

Ah, printemps, printemps Admirable printemps etcétéra, etcétéra.

Haïku de Matsuo Basho (1644-1695)

Que sait-on des rythmes du jardin ?
La terre respire selon trois rythmes : annuel, mensuel et journalier

La respiration annuelle dépend du soleil. Dans l’hémisphère sud cette respiration est l’inverse de celle du Nord. Le rythme mensuel est assuré par la lune et le rythme journalier par la rotation de la Terre.

Dans l’hémisphère nord où nous vivons le jour le plus court tombe le 21 décembre, jour du solstice d’hiver. La végétation est alors en sommeil. Mais le soleil va commencer à s’élever dans le ciel et réchauffer l’atmosphère .tandis que les jours rallongent et que la sève se remet à circuler. C’est le printemps et l’équinoxe du 20 mars bien sûr nommé équinoxe de printemps.

C’est le moment de tailler et de semer. Le printemps météorologique comprend les mois de mars avril et mai. C’est aussi le temps des giboulées de mars et des sautes de température. Au solstice d’été le soleil amorce sa descente. De chauds ses rayons deviennent desséchants. C’est alors le temps des récoltes.

Mais revenons au printemps. Les religions ont très souvent un substrat astronomique et placent des dates symboliques dans leur calendrier liturgique. Par exemple la religion chrétienne a placé Noël avec l’enfant Jésus, la graine qui va germer. Il y a d’ailleurs une charmante coutume provençale qui veut que dans un pot on enterre des grains de blé qui vont bien sûr à la chaleur des habitations germer rapidement. On peut d’ailleurs très bien y semer des grains de lentille. A Pâques c’est la mort et la résurrection. « Si le grain ne meurt… ». Et puis plus tard c’est la récolte aux temps chauds.

Pour rester en Europe, en russe le printemps est весна (vesna) apparenté au latin ver et Vesna était la déesse slave du printemps et de la jeunesse. On retrouve cette racine dans la
« primavera » en espagnol, portugais et italien. En moyen français prins temps : premier temps vient du latin primus tempus (à ne pas confondre avec le prime-time anglolâtre dont nous abreuve la télé). Ce mot a remplacé l’ancien français primevère dont le nom est resté à la fleur de printemps fleurissant au début de cette saison début mars. C’est aussi le sens en breton :nevezamzer nouveau temps, nouvelle saison. En allemand cela donne

Frühling composé à partir de früh tôt, l’équivalent de prime

Et le point vernal en astronomie désigne l’équinoxe de printemps.

En anglais c’est une autre racine : spring ou springtime de to spring :bondir, jaillir. On retrouve ce mot dans l’expression to spring into existence : naitre (surgir dans la vie). Spring veut dire aussi ressort et source, ce qui conforte la saison où la vie éclate.

C’est le moment où les animaux vont s’accoupler et pour les oiseaux construire des nids. Mais avant, selon les espèces, les mâles vont devoir se combattre pour pouvoir choisir les femelles. Cela est très bien rendu dans le tableau de Sandro Botticelli Le printemps (entre 1478-1482). On y voit Vénus qui a ici des analogies picturale avec la Vierge Marie, dans le jardin des Hespérides aux pommes d’or, ici des orangers, accompagnée des trois Grâces. Mercure à gauche est celui qui protège le jardin avec son caducée, bras levé. Et Cupidon l’amour aveugle flotte au dessus. A droite la nymphe Chloris va être violée par Zéphyr (le vent d’Ouest doux et léger, en argot français le zef c’est le vent). Chloris va alors se transformer en Flore couverte de fleurs. Ils vont s’épouser et avoir un fils Karpos dont le nom veut dire fruit en grec.

N’oublions pas les hirondelles qui reviennent de leur hivernage en Afrique en parcourant jusqu’à 10.000 à partir du Cap. Y’a d’la joie chante Trenet. Malheureusement elles sont en très fortes régression.

Et il ne s’agit pas uniquement de lutte pour l’accouplement car en mai les luttes politiques surgissent. Rimbaud le disait déjà au temps de la Commune de 1871.qui a duré de mars à mai avec une ironie amère ((Picard fut un ministre versaillais) :

Le Printemps est évident, car
Du cœur des Propriétés vertes,
Le vol de Thiers et de Picard
Tient ses splendeurs grandes ouvertes …/…

« Pensez printemps » a dit le lointain successeur de Thiers.
C’est le « Temps des cerises » (écouter Mouloudji ou son duo avec Nana Mouskouri).

Pour ma part comme symbole le préfère le prunier dont la fleur blanche sur le bois pas encore feuillu est d’une grande élégance et la petite primevère qui après le crocus annonce de futurs beaux jours. Le perce neige du début d’année est déjà oublié tandis que le camélia ouvre déjà ses fleurs avec à son pied jonquilles et jacinthes déjà fleuries (Hyacinthe était le jeune amant de Zéphyr qui était bisexuel comme beaucoup de dieux – voir ci-avant Chloris). Et les violettes commencent à fleurir au pied du quetschier.

Ah, j’oubliais : le 23 avril « A la Saint Georges sème ton orge » selon le dicton alsacien (Georges en grec GewrgoV veut dire travailleur de la terre, laboureur, voir les Georgiques de Virgile, un écrivain romain). Bénéficiant d’un cycle végétatif court l’orge de printemps sera fauchée environ 105 jours plus tard à la mi-juillet pour être séchée par le malteur puis brassée. Le 23 avril est le premier jalon du cycle de la bière , on indique ici le cycle traditionnel. On en reparlera. C’est aussi le dernier jalon car au bout d’un an on obtient la bière de mars, la première bière de la nouvelle récolte et à Munich c’est la fête de la bière Frühjarhrsbierfest à

ne pas confondre avec la Oktoberfest. Bière et vin sont les deux boissons qui en France unissent le Nord et le Sud avec le cidre à l’Ouest qu’on retrouve dans le Devon terre d’origine de beaucoup de Bretons de Domnonée qui ont émigré au 8e siècle en Petite Bretagne lors de l’invasion de la Grande Bretagne par les Anglais.

Il y a tant à dire sur le printemps. Terminons sur une note gastronomique. A propos de la bière que l’on vient d’évoquer on utilise les souches de houblon qui donnent une trentaine de pousses en avril-mai. Les jets peuvent être consommées comme « asperges de houblon », un plat qui fait pendant aux asperges qu’on cueille à Pâques dans les collines entourant Marseille, au pied des vieux murets ceinturant les champs d’oliviers du côté de chez Pagnol.

André Maudet